Cher ministre Bains,

La démission très médiatisée de Wayne Smith, le statisticien en chef du Canada, au mois de septembre dernier, devrait servir d’indication qu’il existe des problèmes de confidentialité et d’intégrité des données qui touchent tous les Canadiens. La mise à jour économique promet une plus grande indépendance pour le statisticien en chef. Toutefois, nous ne sommes pas convaincus que les modifications proposées à la Loi sur la statistique répondent entièrement aux préoccupations de la communauté des bibliothèques en ce qui concerne la sécurité de l’information.

Le départ de M. Smith a été incité par le soutien continu du gouvernement pour le contrôle global de l’information numérique — des données personnelles et confidentielles sur les individus canadiens — assuré par Services partagés Canada. Que le statisticien en chef a dû avoir recours à cette action est inquiétant, mais la question encore plus importante, que les départements externes à Statistiques Canada aient accès à ces données, pourrait avoir de graves conséquences pour la politique publique de notre pays et pour des millions de Canadiens. La communauté des bibliothèques est particulièrement inquiète par ce que la démission de Smith a révélé et s’engage à appuyer son objectif d’un Statistiques Canada indépendant qui protège la vie privée des Canadiens et l’intégrité des données essentielles à la prise de bonnes décisions politiques.

Statistiques Canada recueille l’information personnelle de tous les Canadiens de plusieurs façons, principalement à l’aide du recensement obligatoire sur les ménages. Cette information est utilisée dans le but d’aider tous les paliers du gouvernement, ainsi que les institutions privées et publiques, à prendre de meilleures décisions qui améliorent notre sort et en vue d’atteindre des objectifs de recherche. Lorsqu’utilisée de manière constructive, tout en respectant la vie privée, cette information constitue une ressource précieuse qui permet d’en apprendre davantage sur qui nous sommes et de préparer notre avenir. Lorsque mal gérée, cette information peut avoir un effet néfaste d’égale ampleur.

En 2011, le gouvernement a transféré les services de données et d’informatique de Statistiques Canada à Services partagés Canada. Ce changement devait générer des économies pour le gouvernement en général. Statistiques Canada, déjà insuffisamment financé et assiégé par les changements aux politiques du gouvernement, était contraint de réaffecter des fonds à Services partagés afin d’effectuer de l’entretien sur le centre de données traditionnel au coeur des activités de l’organisme. La Loi sur la statistique exige que le personnel qui traite des informations sensibles et les contractants qui travaillent pour le compte de l’organisme prêtent serment afin de protéger ces informations sensibles. Est-ce suffisant pour garantir la confidentialité des données personnelles? Depuis la démission de Smith, le public a appris que le gouvernement actuel a résisté toute tentative d’annuler le contrôle de Services partagés Canada sur les activités informatiques de Statistiques Canada et par extension, de ses données.

L’autorité de Statistiques Canada repose sur la confiance. Cette confiance découle de l’indépendance de l’organisme et de sa capacité à effectuer un travail de la plus haute qualité. Les données sur lesquelles les modèles et les rapports de Statistiques Canada sont construits ne peuvent pas être mises en péril. Le risque de voir des renseignements personnels tomber entre les mauvaises mains est ce qui soulève le plus d’inquiétudes auprès du public, mais un résultat tout aussi troublant concerne l’éveil du doute concernant l’intégrité des données, qui pourrait se mettre en place en matière du travail de Statistiques Canada. Si les données peuvent être manipulées, elles seront également peu fiables.

Le gouvernement actuel a fait campagne en promettant de rectifier la situation et d’éviter le risque. La page 40 de leur plateforme l’indique clairement : “Nous donnerons pleine indépendance à Statistique Canada.” Mieux encore, le premier point à l’ordre du jour du nouveau gouvernement lors de l’ouverture du 42e Parlement était de réinstituer le recensement détaillé, une décision pour laquelle ils ont le mérite à juste titre. Afin de permettre à ce changement d’avoir un impact, le gouvernement doit maintenant intervenir pour résoudre les problèmes soulevés par M. Smith, pour éviter de perdre encore plus de données utiles que sous le gouvernement précédent. La communauté des bibliothèques demande au gouvernement de donner à Statistiques Canada l’autonomie dont elle a besoin et que le public mérite.

Sincerement,

Donna Bourne-Tyson
co-président
Fédération canadienne des associations de bibliothèques (FCAB)
University Librarian
Dalhousie University

Paul Takala
co-président
Fédération canadienne des associations de bibliothèques (FCAB)
CEO & Chief Librarian
Hamilton Public Library