Il est impératif pour la durée d’une crise de santé nationale ou mondiale que les bibliothèques continuent de répondre aux demandes de renseignements à des fins créatives, éducatives et d’information, et il est entendu qu’il puisse être nécessaire de reproduire du contenu pour répondre à ces demandes. L’utilisation équitable est un droit important et vital de l’utilisateur qui continue d’appuyer la diffusion de l’information au public et d’habiliter les utilisateurs des bibliothèques, les universitaires et les scientifiques. L’utilisation équitable aide les bibliothèques à offrir des occasions continues d’épanouissement personnel, intellectuel et professionnel en ces temps difficiles.
La FCAB-CFLA remercie les éditeurs et les créateurs d’œuvres en libre accès. La pandémie de COVID‑19 met en lumière l’importance du modèle de communication savante en libre accès, qui continue d’améliorer l’accès aux documents d’enseignement et de formation, ainsi qu’aux résultats de la recherche. La FCAB-CFLA reconnaît les fournisseurs et les éditeurs actuels qui offrent un accès gratuit ou amélioré à leurs collections en ligne pour la durée de la pandémie de COVID‑19.
Le présent guide d’accompagnement vise à fournir des éclaircissements pour aider les bibliothèques à tenir compte du droit d’auteur lorsqu’elles fournissent des services pendant la pandémie de COVID‑19.
Contexte
Les bibliothèques canadiennes fonctionnent à une époque où il y a des limites sans précédent associées à l’offre d’accès aux clients en raison de la pandémie de COVID‑19. Les bibliothèques sont forcées de fermer des espaces physiques afin d’appuyer les stratégies de distanciation sociale et de fonctionner selon les limites imposées par le gouvernement à la taille des groupes. Les bibliothèques s’efforcent de trouver des façons, dans les environnements numériques, de continuer à fournir de nombreux services qui, dans le cadre des opérations quotidiennes normales, utiliseraient les collections imprimées achetées dans les espaces physiques.
Analyse de l’utilisation équitable
La FCAB-CFLA fournit les conseils suivants aux bibliothécaires et au personnel des bibliothèques sur les facteurs d’utilisation équitable à prendre en considération lors de l’analyse de l’utilisation équitable dans le cadre de la pandémie de COVID‑19.
L’utilisation équitable est l’un des droits des utilisateurs dans la loi canadienne sur le droit d’auteur qui permet l’utilisation d’une œuvre (la reproduction ou la « négociation » d’une œuvre) sans permission ni paiement. Pour s’assurer que l’utilisation d’une œuvre est équitable, une analyse de l’utilisation équitable est effectuée, selon les critères établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt CCH [1].
- a) Le but de l’utilisation
L’analyse de l’utilisation équitable commence en déterminant que l’utilisation de l’œuvre est équitable en vertu d’un des objectifs énumérés de l’utilisation équitable décrits dans la Loi sur le droit d’auteur [2]. L’utilisation doit être une fin admissible, mentionnée dans la Loi (recherche, étude privée, éducation, satire, parodie, critique, examen ou communication des nouvelles). Il s’agit d’une condition de la loi qui doit être remplie.
Les bibliothèques s’inspirent également de la déclaration de la Cour suprême :
« … il ne faut pas interpréter ces fins restrictivement, sinon les droits des utilisateurs pourraient être indûment restreints. » [3]
- b) Le caractère de l’utilisation
Lorsqu’elles examinent le caractère de l’utilisation, les bibliothèques doivent tenir compte de la façon dont les reproductions sont distribuées, à qui et de quelle façon. Ces questions sont au cœur de l’incidence sur le caractère de l’utilisation. À l’heure actuelle, l’adoption de stratégies de distribution de « prêts semblables à des imprimés » peut appuyer la prestation de services. Il faut tenir compte de ce qui sera fait des copies et de la façon dont elles seront distribuées avant de copier des documents dans des environnements numériques. Il est reconnu que de nombreuses œuvres ont été temporairement retirées de l’accès public, car de nombreuses bibliothèques sont aux prises avec la fermeture complète de leurs collections physiques.
- c) La quantité de l’utilisation
Dans ces circonstances extraordinaires, il est difficile d’appliquer des limites normalisées à la quantité d’une œuvre copiée. Les considérations pratiques, comme l’accès limité du demandeur aux collections physiques, la capacité d’identifier des parties spécifiques d’une œuvre à copier, et les restrictions de travail du personnel, influeront sur la quantité de l’utilisation et sur la capacité de suivre la pratique habituelle pour ce facteur. L’interprétation restrictive de ce facteur pourrait entraîner une restriction indue des droits des utilisateurs.
- d) Solutions de rechange à l’utilisation
Lorsqu’on envisage des solutions de rechange à l’utilisation, il est impératif de tenir compte des facteurs de distanciation sociale et des limites à l’accès aux collections physiques. La défense fondée sur l’utilisation équitable est plus solide si aucune solution de rechange à l’utilisation n’est disponible. De nombreuses solutions de rechange à la reproduction qui étaient auparavant disponibles dans les collections imprimées ne sont pas disponibles en raison des fermetures, et ce facteur serait pris en considération.
- e) La nature de l’œuvre
Lorsqu’elles examinent la nature de l’œuvre, les bibliothèques doivent déterminer si celle-ci est publiée, non publiée, confidentielle ou si elle est accessible au public. Les lignes directrices, les politiques et les pratiques exemplaires dans ce domaine sont en grande partie inchangées. Si une œuvre a été publiée, l’utilisation peut avoir tendance à être plus équitable; si l’œuvre est confidentielle, l’utilisation peut avoir tendance à être injuste.
- f) L’effet de l’utilisation sur l’œuvre
En tenant compte de l’incidence de l’utilisation sur le marché, évaluez si l’utilisation de l’œuvre fera concurrence au marché pour l’œuvre originale. Dans les cas où des œuvres sont utilisées dans l’enseignement et la formation à distance pendant la pandémie, et pour les bibliothèques qui cherchent à donner accès à de vastes collections imprimées de bibliothèques achetées légalement qui sont actuellement hors de portée du public, il peut y avoir peu ou pas d’impact sur le marché. Le fait de n’utiliser qu’à court terme une copie de l’œuvre, pour la durée de la pandémie, pourrait atténuer davantage l’impact sur le marché.
Recommandations
La FCAB-CFLA recommande que :
- les éditeurs harmonisent leurs pratiques avec la déclaration de l’International Coalition of Library Consortia sur la pandémie mondiale de COVID‑19 (en anglais seulement) et son incidence sur les services et les ressources des bibliothèques;
- le gouvernement du Canada dépose un projet de loi modifiant l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur pour faire de la liste des fins autorisées en vertu de l’exception relative à l’utilisation équitable une liste indicative plutôt qu’exhaustive.
[1] CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, [2004] 1 RCS 339, 2004 CSC 13
[2] Art. 29 : L’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur aux fins d’étude privée, de recherche, d’éducation, de parodie ou de satire ne constitue pas une violation du droit d’auteur.
Art. 29.1 : L’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur aux fins de critique ou de compte rendu ne constitue pas une violation du droit d’auteur…
Art. 29.2 : L’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur pour la communication des nouvelles ne constitue pas une violation du droit d’auteur…
[3] CCH, paragraphe 54