En réponse à la récente proposition visant le blocage de sites Web présentée au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), la Fédération canadienne des associations de bibliothèques / Canadian Federation of Library Associations (FCAB‑CFLA) soumet par la présente sa réponse et exprime ses préoccupations au sujet du blocage visant à lutter contre le piratage proposé par la coalition Franc‑Jeu Canada.
La FCAB‑CFLA craint sérieusement que, sans une surveillance adéquate, une fois la proposition approuvée, les fournisseurs de services Internet soient tenus de dresser une liste noire des sites soupçonnés, sans examen judiciaire ni surveillance de quelque nature que ce soit. La FCAB‑CFLA souhaite atténuer les répercussions négatives sur la neutralité du Net, l’utilisation équitable et le droit des Canadiens à la vie privée et à la liberté d’expression en ligne. Le régime proposé nuira aux consommateurs et à la censure du contenu légitime, et sera finalement utilisé pour protéger des services désuets comme les forfaits de télévision par câble.
Franc‑Jeu Canada, une coalition regroupant plus de 25 organisations, notamment Bell, Rogers, Québecor, la Guilde canadienne des réalisateurs et CBC/Radio Canada, demande instamment au CRTC d’établir un plan de blocage de sites Web contre le piratage en mettant sur pied une agence indépendante d’examen du piratage (AIEP), qui serait responsable d’examiner les plaintes, de recenser les sites Web où des activités de piratage sont menées et de les signaler au CRTC aux fins d’approbation. La FCAB‑CFLA recommande que le gouvernement et le CRTC fassent preuve de prudence à l’égard des demandes de la coalition Franc‑Jeu Canada et du plan de blocage de sites Web que celle‑ci propose. La FCAB‑CFLA est d’avis que l’accès gratuit à des renseignements dignes d’intérêt dont bénéficient les Canadiens est grandement menacé. Précisément, le régime proposé aura des effets préjudiciables sur les établissements d’enseignement et leur laissera peu de recours, à part interjeter appel en révision judiciaire devant la Cour d’appel fédérale, après le fait.
La définition large des « sites de piratage » utilisée (aucune mention des exceptions relatives à l’utilisation équitable), combinée aux limites des technologies actuelles de blocage des sites Web (qui sont souvent exagérées), mènera sans aucun doute à la censure du contenu et de la parole légitimes en ligne sans aucune application régulière de la loi ni intervention judiciaire de quelque nature que ce soit. Cela viole le droit des Canadiens à la liberté d’expression et les principes de la neutralité du Net.
Utilisation équitable
La FCAB‑CFLA est d’avis que l’utilisation équitable permet aux utilisateurs des bibliothèques d’apprendre et d’explorer de nouvelles possibilités d’épanouissement personnel et de croissance intellectuelle ou professionnelle, aide les universitaires et les scientifiques dans la recherche et incite les étudiants à voir le monde de façon critique. L’utilisation équitable permet la reproduction limitée de documents protégés par le droit d’auteur (ou d’une partie de ceux‑ci) sans paiement de droits ou sans demande de permission du titulaire de droits, aux fins prévues aux articles 29, 29.1 et 29.2 de la Loi sur le droit d’auteur du Canada.
La définition large fournie dans la proposition de la coalition met en péril des systèmes tels que les systèmes de gestion de l’apprentissage (SGA) utilisés par les bibliothèques universitaires, car elle pourrait être interprétée comme une violation du droit d’auteur.
Neutralité du Net
« La neutralité du Net est le principe selon lequel les fournisseurs de services Internet ne devraient point favoriser, influencer ou discriminer du contenu en ligne en raison de son idéologie, de son origine, de son format, de sa teneur ou de sa destination, et que la totalité du contenu doive être accessible à tous sur un pied d’égalité. »[1] Bien que la discussion sur la neutralité du Net porte principalement sur le paiement de l’accès et le traitement préférentiel accordé à ceux qui paient, le principe de base de la proposition de la coalition au CRTC consiste à restreindre ou à retirer l’accès au contenu en ligne sans processus judiciaire, et la proposition va directement à l’encontre de l’accès à l’information dont bénéficient les Canadiens.
Économie canadienne
La proposition de la coalition Franc‑Jeu Canada repose en grande partie sur l’argument selon lequel « le piratage est un problème important et croissant qui menace l’énorme contribution des industries canadiennes du film, de la télévision et de la musique à l’emploi, à l’économie et à la culture » (Traduction). Toutefois, selon le rapport de la Canadian Media Producers Association intitulé Profil 2017 – Rapport économique sur l’industrie de la production de contenu sur écran au Canada[2], le volume de production, les emplois équivalents temps plein, le produit intérieur brut et l’investissement étranger dans la production ont affiché une forte croissance. De plus, la coalition soutient que « plus de 20 homologues internationaux du Canada ont établi des régimes semblables » (Traduction) et que ceux‑ci ont des retombées positives sur le marché. Toutefois, le marché canadien a actuellement un rendement supérieur à celui de nombreux pays où des sites sont bloqués, et les États‑Unis (souvent considérés comme l’un des pays qui appliquent la législation sur le droit d’auteur avec le plus de rigueur) ne misent pas sur des systèmes de blocage de sites. Il convient de noter que bon nombre des plans de blocage de sites Web des autres pays prévoient une intervention judiciaire plus rigoureuse tout au long du processus, comparativement à la proposition de la coalition Franc‑Jeu Canada.
La réaction à l’égard de la proposition de Franc‑Jeu Canada visant le blocage de sites Web a été extrêmement négative, sous la forme de présentations individuelles au CRTC. La FCAB‑CFLA se rallie à ceux qui soulèvent des préoccupations. La FCAB‑CFLA n’approuve pas les activités qui violent le droit d’auteur, mais elle appuie les mesures équilibrées assurant le respect des droits de propriété intellectuelle, de la neutralité du Net, de l’utilisation équitable et de la liberté d’expression.
Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec :
Katherine McColgan
Directrice générale
Fédération canadienne des associations de bibliothèques
75, rue Jolicoeur
Gatineau (Québec) J8Y 1A8
613‑867‑7789
Il est également possible de trouver d’autres ressources sur le droit d’auteur, l’utilisation équitable, la neutralité du Net et la protection de la vie privée au Canada à www.cfla‑fcab.ca.