Mémoire sur la consultation du Canada au sujet de la loi fédérale sur l’accessibilité

Février 2016

Introduction

La communauté des bibliothèques du Canada est heureuse de pouvoir répondre à la consultation sur la loi fédérale sur l’accessibilité. Au Canada, les gens ont accès à des services de bibliothèque financés par l’État dans les bibliothèques publiques, scolaires et universitaires. Les bibliothèques favorisent l’apprentissage continu, le développement communautaire, la réussite scolaire, la participation civique et de nombreux services gouvernementaux. Les bibliothèques relèvent généralement de la compétence municipale et provinciale, mais les lois fédérales les touchent dans certains domaines. Le secteur des bibliothèques appuie fortement les mesures législatives qui permettront d’éliminer tout type d’obstacle pour les personnes handicapées.

Aux fins de cette consultation, nous formulons des commentaires sur une loi qui peut appuyer la prestation de services de bibliothèque accessibles et un accès équitable à l’information pour les personnes handicapées.

Plus précisément, nous accueillons favorablement une loi qui :

  • accroîtrait la quantité de ressources dans des formats accessibles et exigerait le soutien fédéral pour la production de ressources;
  • veillerait à ce que les éditeurs de livres électroniques et d’autres ressources numériques (y compris les ressources gouvernementales) adoptent les principes de l’édition inclusive, où tout le contenu est produit dans un format accessible à la source;
  • veillerait à ce que les appareils utilisés pour communiquer et accéder à l’information soient accessibles.

La loi fédérale sur l’accessibilité sera la plus récente d’une série de « premières » qui soutiennent de façon proactive les personnes handicapées vivant au Canada. La loi proposée pourrait non seulement démontrer un plus grand soutien à l’égard de leur bien-être et de leur développement personnels, mais aussi créer beaucoup plus d’occasions pour les 14 % de Canadiens handicapés de participer pleinement à la société. Au-delà des avantages pour les Canadiens handicapés, tout effort visant à améliorer l’accessibilité et à renforcer l’autonomie de cet important groupe aura des avantages considérables pour tous les Canadiens grâce à l’amélioration de l’inclusion et de la productivité.

La communauté des bibliothèques du Canada reconnaît que l’accès – au savoir, à l’information, aux services et à la culture – est au cœur de sa mission. En 1993 s’est tenu un forum national pour souligner la nécessité d’établir des lignes directrices sur le service aux personnes handicapées dans les bibliothèques. Il en est résulté l’élaboration de lignes directrices de la FCAB-CFLA sur les services de bibliothèque et d’information pour les personnes handicapées. Comme le reconnaît l’Organisation mondiale de la santé, ces lignes directrices reconnaissent également que le nombre de personnes handicapées augmente en raison de la croissance démographique, des progrès médicaux et du processus de vieillissement, et que la prévalence des déficiences augmente constamment avec l’âge. Ce document a été mis à jour le plus récemment en 2016.

Le but de cette consultation est de créer une loi sur l’accessibilité qui favorise l’égalité des chances et augmente l’inclusion et la participation des Canadiens ayant des déficiences ou des limitations fonctionnelles. Notre communauté appuie sans réserve cet objectif. Le présent mémoire vise à mettre en lumière les façons dont les bibliothèques peuvent servir d’exemple positif tout en continuant de faire preuve de leadership sur les questions d’accessibilité dans le contexte de la loi fédérale.

La valeur de la loi fédérale : conséquences systémiques

Même si les systèmes de bibliothèques comme Bibliothèques et Archives Canada, la Bibliothèque du Parlement et les bibliothèques des établissements correctionnels fédéraux seront probablement touchés par la loi fédérale sur l’accessibilité, un grand nombre d’entre eux ne seront peut-être pas tenus d’apporter des changements à leurs installations ou à leurs pratiques. Toutefois, l’importance du leadership fédéral en matière d’accessibilité est primordiale.

La consultation décrit à juste titre une situation où « l’approche juridique actuelle du Canada à l’égard des personnes handicapées est axée sur la protection des droits de la personne des Canadiens handicapés et s’appuie sur des plaintes individuelles pour régler ce qui peut constituer des problèmes systémiques plus vastes » (traduction libre). En tant que chefs de file de longue date en matière d’accessibilité, les bibliothèques sont confrontées au défi persistant d’accorder la priorité aux mesures d’adaptation dès le départ. À l’inverse, les gouvernements, les industries et les groupes communautaires ont souvent abordé les questions d’accessibilité d’un point de vue réactif plutôt que comme principe opérationnel. Les bibliothèques ont réagi en conséquence lorsque les provinces et les autorités locales ont adopté des règlements, et elles reconnaissent que ces mesures législatives sont des progrès vers la résolution des défis systémiques auxquels font face les Canadiens handicapés.

Les Lignes directrices sur les services de bibliothèque et d’information pour les personnes handicapées (les Lignes directrices) expliquent comment les bibliothèques peuvent offrir des environnements et des services universellement conçus selon une approche communautaire des politiques et de la planification. Lorsque le gouvernement fédéral adoptera une loi sur l’accessibilité, la société réagira et il sera plus facile pour les bibliothèques d’atteindre cet objectif sur le plan opérationnel et, idéalement, financier. Les lignes directrices offrent un modèle pour les bibliothèques en tant qu’institutions publiques qui pourrait être très utile dans la fonction publique fédérale afin de créer un environnement conçu universellement.

L’objectif de la loi

L’objectif de la loi fédérale sur l’accessibilité est bien décrit dans le document de consultation. L’élimination des obstacles est une étape cruciale, et l’adhésion du Canada au Traité de Marrakech en est un excellent exemple. Le Canada est devenu le vingtième pays à adhérer au Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées. Le traité est entré en vigueur au Canada le 30 septembre 2016. Cette mesure représente une élimination bien intentionnée d’un obstacle, mais elle démontre également la nécessité de soutien supplémentaire. Bien que certains fonds aient été accordés pour la création d’œuvres imprimées en formats substituts pour les 3 millions de Canadiens incapables de lire les imprimés, de nombreuses institutions font face à des contraintes financières pour atteindre cet objectif. L’objectif du traité et de cette loi favorise l’égalité d’accès et place le Canada en tête de file mondiale.

Une approche normative ou axée sur les résultats? Qui devrait être couvert?

Même une approche normative rigoureuse de la loi devrait être fondée sur l’atteinte de résultats ciblés et réalisables. Par exemple, la loi devrait autoriser le gouvernement à prendre des mesures proactives pour élaborer des normes d’accessibilité. Toutefois, cela devrait se faire en consultation avec les organismes qui aident le gouvernement à élaborer, à publier et à mettre en œuvre des objectifs, des engagements et des stratégies précis. Le statu quo qui consiste à protéger les droits au moyen d’un processus individualisé fondé sur les plaintes impose la responsabilité d’agir à des personnes qui sont déjà confrontées à un obstacle réel ou perçu à la pleine participation à une activité ou à l’interaction avec un produit ou un processus. La loi sur l’accessibilité devrait transférer une partie de cette responsabilité aux institutions afin d’appuyer l’idée de l’accessibilité comme principe fondamental qui favorise l’interaction et l’inclusion, plutôt que comme considération nécessaire, mais gênante, pour les entreprises, les institutions et les simples citoyens.

Comme le décrit le document de consultation, une approche axée sur les résultats permettrait de mieux présenter les considérations liées à l’accessibilité comme une occasion importante pour les Canadiens de tous les milieux de vivre dans une société qui fonctionne mieux en incluant tout le monde. Là où le gouvernement fédéral exerce un plus grand contrôle, au sein des directions générales ou des programmes du gouvernement fédéral, par exemple, il serait plus approprié d’adopter une approche plus normative qui reflète des objectifs semblables à ceux des Lignes directrices.

De même, dans les secteurs qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, une approche plus normative est appropriée. Les Canadiens handicapés interagissent régulièrement avec les institutions fédérales, y compris celles qui sont décrites dans le document de consultation. Une approche normative permettant de faciliter leur interaction avec les députés, les ministères et les organismes du gouvernement fédéral, les sociétés d’État, les tribunaux et la GRC servira également à améliorer les interactions avec la Bibliothèque du Parlement, par exemple.

Outre les institutions décrites, il serait utile de veiller à ce que les sources de données et les rapports créés par les ministères fédéraux et d’autres organismes sous réglementation fédérale soient publiés dans des formats conformes à la norme NOSO pour l’accessibilité. Cela aura un effet positif sur les bibliothèques et les autres institutions qui cherchent à améliorer l’accès des Canadiens aux données. Cela permettra également aux étudiants, aux enseignants, aux chercheurs et aux professionnels ayant une déficience perceptuelle d’interagir plus facilement avec ces ressources financées à même les fonds publics.

Quels problèmes et obstacles la loi devrait-elle aborder?

La loi devrait prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que les millions de Canadiens handicapés se heurtent au moins d’obstacles possible. C’est un objectif ambitieux, mais réalisable. Pour les bibliothèques, il est important de s’inspirer des besoins de la collectivité pour comprendre les obstacles à surmonter dans l’immédiat et à court terme. Il est difficile d’établir l’ordre de priorité des obstacles à éliminer dans chacun des six domaines énumérés, car leur importance variera pour les personnes qui se heurtent à ces obstacles.

Il est essentiel de reconnaître que, au-delà des obstacles propres aux domaines décrits dans le document de consultation, des obstacles systémiques persistent, y compris des attitudes négatives à l’égard des personnes handicapées. Cette loi devrait créer des occasions ou des mesures incitatives pour permettre aux institutions de remettre en question les présomptions systémiques à l’égard des personnes handicapées. Les bibliothèques sont des endroits où il est possible d’informer les Canadiens sur les répercussions de la loi sur l’accessibilité et sur la façon dont des politiques et des programmes plus inclusifs peuvent créer des possibilités pour le grand public.

Nous convenons que la loi devrait créer un mécanisme permettant d’examiner, de discuter et d’appuyer régulièrement l’accessibilité. Un conseil consultatif créerait une mémoire institutionnelle et le secrétariat jouerait un rôle de rassembleur permettant aux groupes concernés de discuter régulièrement des problèmes d’accessibilité et des solutions. Un tel conseil serait également mieux outillé pour présenter des rapports et des recommandations qui éclaireraient la politique gouvernementale de façon moins ponctuelle que les consultations périodiques décrites dans le présent document de consultation.

La loi fédérale sur l’accessibilité doit être exhaustive. Par conséquent, la législation ne devrait pas tenter uniquement de créer des lois ou des règlements là où il n’y a pas de loi fédérale ou existante, mais de répondre pleinement aux préoccupations des Canadiens handicapés. La nouvelle loi fédérale devrait s’inspirer des lois provinciales ou territoriales existantes, ce qui implique de reconnaître les lacunes dans ces lois qu’une nouvelle loi fédérale pourrait améliorer. Le gouvernement devrait également chercher à inclure dans la loi fédérale les meilleurs éléments des lois existantes dans d’autres administrations.

Comment devrait-on surveiller la conformité et appliquer la loi?

La surveillance de la conformité et l’application de la loi dépendront en fin de compte de l’approche de la version finale de la loi. Dans un modèle normatif ou axé sur les résultats, il n’y a aucune raison d’exclure les plans d’action ou les rapports d’étape. Si ces mécanismes sont utilisés, il faut non seulement qu’ils servent d’avis au public, mais aussi qu’ils contiennent un plan ou une feuille de route pour aborder les questions soulevées par le mécanisme d’évaluation utilisé.

Lorsqu’on constate un manque de conformité, on devrait envisager d’appliquer la loi selon une mesure de degré, en particulier lorsque l’organisme déploie des efforts pour corriger l’infraction. Par exemple, lorsqu’une bibliothèque est informée d’une plainte ou d’un constat de non-conformité, il est recommandé de lui accorder un délai de grâce pour corriger le problème avant de rendre la faute publique ou de la pénaliser. Les pénalités supplémentaires demeureraient possibles pour les entités qui sont non conformes et qui résistent à apporter les changements nécessaires. Dans un tel système, il faudrait mettre en place un processus officiel de médiation ou d’arbitrage pour les groupes qui veulent contester les plaintes présentées à leur égard. Il faudra sensibiliser davantage le public aux exigences de la nouvelle loi et encourager proactivement la conformité afin de réduire la pression sur le système de plaintes.

Quel soutien devrait-on offrir aux organismes pour améliorer l’accessibilité?

La loi sur l’accessibilité devrait être conçue de manière à appuyer les groupes qui ont fait des progrès importants dans la création de possibilités pour les Canadiens handicapés, tout en facilitant le plus possible la tâche aux institutions, aux entreprises et aux groupes qui veulent prendre des mesures pour améliorer l’accessibilité. Toutes les mesures d’encouragement, de soutien et de reconnaissance proposées créeront des incitatifs qui permettront d’éliminer les obstacles. Pour les institutions comme les bibliothèques qui subissent des pressions pour accroître les services et les produits offerts avec des budgets limités, des incitatifs financiers seraient appréciés. Toutefois, l’aide financière devrait être axée sur un solide programme de subventions visant à éliminer des obstacles précis plutôt que sur des récompenses publiques pour un travail bien fait.

L’idée d’une aide financière pour la réalisation et le partage de recherches et de pratiques exemplaires est également intéressante, mais ce rôle pourrait aussi être assumé par le gouvernement fédéral. Les recherches et les pratiques exemplaires seraient plus utiles s’il s’agissait d’un produit accessible au public et approuvé par un conseil consultatif national sur l’accessibilité.

En fin de compte, l’élimination des obstacles dépend de deux facteurs. Le premier est la volonté d’agir et le second est l’accès aux ressources pour apporter des changements. Les bibliothèques de partout au Canada sont motivées depuis des décennies à régler les problèmes d’accessibilité, mais beaucoup n’ont pas les ressources nécessaires pour mettre en œuvre des plans qui réduiront les obstacles. La plus importante source de soutien, en particulier pour les institutions sans but lucratif qui offrent un service public, sera le financement pour veiller à ce qu’on ne se contente pas de proposer ou suggérer les changements, mais qu’on les adopte. Il est important de récompenser le leadership, mais cela fonctionnerait mieux comme programme ou politique que comme loi ou règlement.

Comment saura-t-on si la loi réussit à améliorer l’accessibilité et à éliminer les obstacles?

Le gouvernement devrait présenter un rapport annuel sur les progrès de la mise en œuvre et l’efficacité de la loi sur l’accessibilité. C’est un rôle dont le ministre devrait assumer la responsabilité, mais qui pourrait également être appuyé par un comité consultatif. Le rapport devrait informer les Canadiens des études de cas importantes dans la mise en œuvre réussie des principes, de l’adoption de mesures clés dans les institutions administrées par le gouvernement fédéral et des plaintes reçues par l’organisme chargé de recevoir et de régler ces différends. Il devrait également contenir un plan stratégique comprenant des résultats afin de permettre l’évaluation continue des progrès.

La loi devrait être examinée au moins tous les cinq ans afin de tenir compte des grands changements technologiques, de la recherche ou des progrès médicaux qui pourraient modifier considérablement la compréhension qu’ont les Canadiens de l’accessibilité et qui, par conséquent, nécessitent l’attention du Parlement.

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